Bientôt la fétuque rouge, l'herbe des links.
Philippe Lefeuvre, directeur du golf de Saint-Cast-Le-Guildo nous explique pourquoi et comment il a, avec son équipe, préparé le changement de graminée sur les green.
" Il s’agit de changer les graminées de gazon présentes actuellement par des variétés plus résistantes, moins gourmandes en eau et engrais et moins exigeantes en entretien.
Dans les années 80-90, Les golfs en France ont voulu copier le modèle américain en installant des graminées tropicales sur des sols en sable pur, certes très filtrants mais peu fertiles. Le but était d’offrir aux golfeurs des surfaces de jeu immaculées et très roulantes le plus longtemps possible. Ces gazons cultivés « hors sol » demandaient beaucoup d’eau, de fertilisants, et de pesticides. Ils avaient une forte croissance et exigeaient beaucoup de tonte et de scarification.
Faute de moyens, la plupart des golfs français n’ont bien sûr pas pu suivre la cadence et ont été envahis en particulier dans notre climat tempéré par une graminée indésirable dont vous avez sûrement entendu parler : le pâturin annuel. Cette graminée adore les arrosages et les apports d’engrais réguliers. Elle se sème toute seule et ses graines supportent les tontes rases.
Elle représente parfois jusqu’à 90% de la surface des greens de golf en France, particulièrement sur les côtes de la Manche et de l’Atlantique. Elle procure une surface très souple qui se déforme beaucoup, n’offrant donc pas une qualité de « roule » franche, particulièrement quand elle est en fleur au printemps. Elle réclame des tontes et des scarifications fréquentes donc beaucoup de travail. Elle ne supporte ni le froid ni les fortes chaleurs et est très sensible aux maladies. A Saint-Cast, malgré nos efforts elle représente encore près de la moitié de la surface de nos greens. Il faut donc rompre avec ce cercle vicieux et ce de manière radicale. Et pour cela, nous avons opté pour la fétuque rouge.
C'est la graminée d’origine des links, employée lorsque les parcours de golf n’étaient pas fertilisés ni arrosés et voulaient produire une « roule » propice au jeu. Maintenant que les préoccupations environnementales et que le développement durable sont des enjeux d’actualité et d’avenir, elle redevient à la mode.
Vous la retrouvez sur les links britanniques, et chez les scandinaves qui ont renoncé aux produits phytosanitaires depuis près de 10 ans. Dans notre entourage, c’est celle que vous jouerez au golf de Granville dont la réputation n’est plus à faire.
Elle a des feuilles en forme d’aiguilles fines, d’un vert intense. Elle tient sa force d’un enracinement très important (plus de 25 cm) malgré des tontes rases. Cela lui permet de supporter la sécheresse et une fertilisation faible. Elle pousse lentement : 2 à 3 fois moins vite que les autres graminées. Elle est moins vulnérable aux maladies.
Le plus difficile est de l’implanter. En effet, il faut lui faire de la place, et rendre la vie impossible aux autres variétés de gazon. Nous nous y préparons depuis déjà quelques mois, et laissons faire les champignons et les parasites, qui nous éradiquent le paturin en place. La fétuque rouge aura ainsi la place pour se développer au printemps.
Ceci explique que certains de nos greens paraissent abîmés par de nombreuses taches. Cependant vous pouvez constater que même si l’esthétique n’était pas au rendez-vous, la roule a été excellente tout l’hiver.